Le journal d'une cochonne

40 Mon père

Je me demande dans quelles mesures la masturbation me sert d’échappatoire à la vie quotidienne.

Quand j’avais entre 14 et 18 ans, c’est là que j’étais le plus active. A l’époque, mon père était saoul tous les jours… C’était triste, mais surtout terrifiant. Je pense que c’est seulement maintenant que j’arrive de nouveau à lui faire confiance et à l’accepter dans ma vie. Pendant longtemps, j’avais peur de lui. Il ne voulait pas me laisser partir, chaque mouvements de ma part pour m’émanciper était suivit par des crises où il était saoul et me criait dessus pendant des heures pour rien.

Un jour, un chaton que j’avais adopté était mort. J’ai pleuré pendant tout l’après-midi parce que je me sentais vraiment triste. Le soir même, mon père avait bu et il m’a engueulé assez violemment en me disant que je n’avais pas le droit d’être triste que ce chat soit mort… Enfin, je ne me rappel plus très bien, mais en tous cas en gros c’était pour ça.

Ensuite il a mis le cadavre du chaton dans ma chambre et a fermé la fenêtre et la porte pour que l’odeur se repende dans la pièce.

C’est le genre de choses qu’il faisait.

Un jour, il était bourré comme pas possible et il a dit a mon frère qu’il le "dégouttait". C’est l’une des seules fois où je me suis dressée contre lui, je lui ai dis qu’il n’avait pas à dire des choses comme ça à son fils. J’avais peur à un point inimaginable, mais c’était tellement ignoble de dire ça !

Un jour, je l’ai frappé, mon père. Avec une casserole. C’était ridicule et je n’aurais pas dû faire ça, après, on ne s’est plus parlé pendant une semaine. Tout mon corps n’était que de la haine envers lui. Il était saoul tout le temps. Tous les jours. J’avais peur de lui, j’avais peur tous les jours.

Encore aujourd’hui quand je rentre chez mes parents, j’ai cette douleur au coeur en tournant dans l’allée. J’ai ces questions qui tournent encore : "Est-ce qu’il sera saoul aujourd’hui ?"

Pendant trop longtemps, la réponse était tout le temps "oui".

Un jour, mon père m’a engueulé pour aucunes raisons compréhensibles. Au bout d’une heure, j’ai sauté par la fenêtre pour lui échapper. J’ai marché sur le toit en taule et je suis partie pied nu dans la rue. Il m’a cherché dehors, je me suis cachée derrière une voiture. J’étais là, accroupie dans le noir, je voyais sa silhouette et je l’ai entendus dire "Elle a qu’à se casser ! Elle a qu’à aller chialer chez sa grand-mère, moi je m’en fous ! Je m’en fous d’elle."

C’est comme ça que j’ai compris que le problème, c’était que j’avais décidé de m’en aller pour faire mes études. Pour lui, il fallait que je reste avec lui. Je ne l’ai pas fait. Je suis partie, loin, le plus loin possible. Avant mon départ, il a pété les plombs. On ne s’est pas parlé pendant une semaine là non plus.

Mais un an après, je suis revenue. Et là, c’était dur aussi parce que j’étais toujours en rejet vis-à-vis de lui et il ne supportait pas ça. Je crois que ça a été très dur pour ma mère et mon frère cette année où je suis partie, ce qu’ils ont vécu devait vraiment être difficile.

Quand j’étais petite, c’était déjà comme ça. J’ai des souvenirs dans lesquels mon père veut jouer avec moi en m’embêtant et où je le repousse sans vergogne. Et puis, je ne me souviens plus exactement comment, mais à un moment donné, la situation s’est inversée et j’ai accepté. J’ai joué. Je me suis soumise. J’ai accepté ma position d’enfant, ma position de fille.
J’aurais très bien pu continuer à le rejeter, comme un enfant normal. Continuer à être égoïste. Parce que, je veux dire, je me suis forcée à aimer ça. Quel genre d’enfant se force à aimer quelque chose qu’il n’aime pas, qu’il ne veut pas ?

Je ne sais même pas pourquoi je parle de ça. De mon père. Je ne vois pas de lien apparent avec ma sexualité, mais j’ai quand même besoin d’en parler.

Je pensais honnêtement que je ne sortirai jamais de cette angoisse vis-à-vis de lui et que je resterai constamment dans le rejet. Mais dans des journées comme celle-ci, j’ai envie de rétablir le contacte. Mais je ne peut pas m’empêcher de repenser à tout ce que j’ai traversé.

Quand j’y pense, je me rend compte que j’étais vraiment plus forte que ce que je pensais. J’allais à l’école tous les jours et j’avais de très bons résultats et une vie sociale normal. Et tout le monde ignorait ce qu’il se passait chez moi. Je rentrais avec la peur au ventre. Je pleurais tous les soirs… Et je n’ai jamais rien dis à mes amis. Comment j’ai fais ?? ?

Personne ne voyait rien. Normal, il ne m’a jamais frappé ni rien. Je pense que les gens n’auraient pas compris. Ça ne leur aurait pas parut aussi grave. Ils auraient peut-être pensé que je faisais toute une montagne de pas grand chose. Mais mon père n’a pas eut besoin de me frapper pour me faire peur. Ni pour me faire du mal.

Je me suis entendue dire que je faisais ma "princesse" (une insulte dans sa bouche), que je valais moins qu’une chienne, que j’étais incapable de maintenir quoi que ce soi en vie, que je dysfonctionnais, que j’étais à côté de la plaque....

Il me disait que je le rendais malheureux, en gros. Mais je n’y pouvais rien, ce n’est pas moi qui le rend malheureux ! Je n’ai rien fais pour ça, je ne l’ai jamais voulus !

Il ne m’a jamais laissé m’expliquer. On ne discute pas avec lui, parce qu’il n’écoute pas. C’est parler à un mur.

Ce me rappel un souvenir. Je pense que je devais avoir tout juste 3 ans. Mes parents venaient de se disputer assez violemment. J’avais constaté que mon père était troublé. Pour le consoler, j’ai voulus lui faire un dessin et le lui donner. C’était une sirène assise sur un rocher. Quand je l’ai appelé <<Papa ?>> pour qu’il me regarde, il n’a pas tourné la tête vers moi, son visage déformé par la colère n’a pas changé. Il m’a répondu un <<Non>> ferme et sévère.
Quelque chose s’est brisé en moi quand il m’a dit ça. Je ne me rappel même plus de ce que j’ai fais après. Comment lui, mon père, pouvait me rejeter ? Préférer sa haine à sa fille.

J’aurais voulu qu’il m’accepte, qu’il partage sa souffrance avec moi. Non, carrément, j’aurais voulus souffrir à sa place. Mais je n’ai jamais pu. Je n’ai jamais su comment faire, je n’ai jamais été la fille qu’il lui fallait. Je n’ai pas su remplacer ses peines, ses souffrances. Je n’ai servis à rien.

Je me rappel aussi d’une fois où il s’est énervé après les voisins. En pleine nuit, il a crié le nom du voisin dans la rue puis a jeté des briques sur son terrain. Il s’est cogné la tête dans la fenêtre, il y avait du sang partout… C’est moi qui me suis occupé de lui faire se laver la tête, j’étais seulement en 5éme.

Un jour, j’ai appelé la police aussi, je ne me souviens même plus pourquoi, seulement que c’était absolument horrible. Vous connaissez cette vidéo qui traîne sur youtube où on entends une petite fille (de 5 ou 6 ans je crois) appeler la police parce que son beau père frappe sa mère ? Je pleure à chaque fois que je la regarde. La petite fille s’appel comme moi, Lisa. C’est tellement triste.

Donc quand je dis que je suis prête à rétablir le contacte, ce n’est vraiment pas à prendre à la légère.